Philosophie et musique contemporaine
Daniel parrochia
La musique, en tout cas la classique - nous ne le cachons pas -, est morte.Tout comme l'art - en tout cas l'art classique - est mort. Mais il y a plusieurs manières de mourir pour l'art - et donc pour la musique. L'une est de se voir progressivement substituer soit propre négatif autodérisoire, dont la fonction (ludico-critique) est alors d'exhiber ce que nous ne voulons ni voir ni entendre. L'autre est de mourir à la mode hégélienne, celle qui consiste à se conserver tout en se dépassant, c'est-à-dire à se sublimer Toutefois, une exception se fait jour. A côté des dérélictions faciles et de la sublimation diffuse et partout répandue qui fait de l'art d'aujourd'hui un art à l'état gazeux , il est encore permis de trouver dans la musique, si l'on peut ainsi s'exprimer, un noyau solide : les oeuvres majeures du XXe siècle - celles qui relèvent du nouvel esprit musical - pointent en direction d'une théorie axiomatique des espaces sonores, dont les chercheurs explorent des modèles possiblesL'existence de cette musique nouménale nous a semblé pouvoir inspirer une nouvelle philosophie. Car, si l'art (classique) est mort, la philosophie (traditionnelle) ne peut pas vivre encore bien longtemps, sinon de cette vie de mort-vivant qui est celle de l'art (classique). Nous lui avons cherché un avenir plus heureux, qui la fît échapper à la pétrification muséale comme à la dégénérescence communicationnelleMais dans une époque où, pour parler le langage du XIXe. siècle, la participation de l'activité de l'individu à l' oeuvre totale de l'esprit s'est désormais réduite à rien ou presque, nous ne pouvons guère nous bercer d'illusions. La philosophie, aujourd'hui délocalisée (à l'image des entreprises multinationales et des produits esthétisés qu'elles fabriquent), est probablement déjà, elle aussi, à l'état gazeuxNous avons tenté, très modestement, de refroidir si peu que ce soit cette transparente vapeur, d'amorcer, si possible, une légère recondensation.